Puisque vous voulez tester à fond mes connaissances je vais rappeler pourquoi à ce qualificatif " NP " on a décidé d'ajouter celui de " complet ". Vous savez qu'à partir des années soixante on a commencé à faire balbutier les ordinateurs capables de fonctionner avec plusieurs processeurs, plusieurs " cerveaux " gérant une même mémoire. Ceci correspond à la naissance de ce qu'on a appelé par la suite le " calcul parallèle ", extraordinairement plus rapide que le calcul mené avec un seul processeur. Vous savez aussi, professeur Small, que les mathématiciens ont alors anticipé en se disant qu'un jour on pourrait envisager des machines capables de mettre en œuvre simultanément des millions et même un nombre illimité de tels processeurs. C'est ce qu'on appelle le calcul " massivement parallèle ". Alors les gens se sont demandés si on pourrait, à l'aide de telles machines, résoudre ces problèmes non-polynomiaux, NP, les rendre, vis à vis du temps de calcul, polynomiaux, faire en sorte que les temps de calcul ne soient plus qu'une certains puissance de l'étendue des données du problème. Ca a été possible pour un certain nombre de ces problèmes, mais pour d'autres ça n'a rien donné. On a démontré que ces problèmes ne pourraient être résolus avec ces machines et on les a alors appelés " NP-complets ".Le problème du voyageur de commerce, d'apparence si simple, est un exemple type de problème NP-complet. De plus un mathématicien nommé Crook a alors montré que ces milliers de problèmes NP-complets connus, et on en trouve chaque jours de nouveaux, étaient tous " de complexité équivalente ". Vous savez aussi que la situation est si désespérée qu'aucun mathématicien n'a seulement été capable d'envisager un début de démonstration permettant de savoir s'il existait un noyau de problèmes " fondamentalement intraitables ", fondamentalement non-polynomiaux, avec ces temps de calcul fondamentalement explosifs, dits " exponentiels ". C'en est au point qu'ils se scindent en deux communautés : ceux qui croient qu'on pourra un jour avoir une prise sur ces problèmes, les rendre solubles, et d'autre qui pensent que c'est une entreprise sans espoir.

Peter souriait de toutes ses dents. Il avait l'impression de suivre un cours et se demandait quel âge pouvait bien avoir la personne qui se trouvait en bout de ligne.

- Vous m'avez l'air bien renseigné. Mais où voulez-vous en venir ? Auriez vous trouvé un moyen de résoudre le problème NP-complet ou auriez vous trouvé une façon de démontrer qu'il est définitivement insoluble, " du ressort de Dieu " ?
- N'allons pas si vite en besogne, professeur. Vous avez dit " le " et non " les " problèmes NP-complet car vous savez, comme moi, que tous ces problèmes, de complexité équivalente, forment un immense jeu de dominos.
- Exact, précisa Small. Si on en résout un, alors on démontre qu'on peut utiliser cela pour résoudre tous les autres puisque Crook a montré qu'on pouvait tous les relier entre eux par des chaînes algorithmiques simples, ou du moins relativement simples.

" L'étudiant " avait l'air, décidément, de bien connaître son affaire. La curiosité de Small était émoustillée, en dépit de sa fatigue et de l'heure tardive.

- Vous ne m'apprenez rien, commenta-t-il. Si vous résolvez un seul problème NP-complet, la forteresse logique s'effondre alors comme un château de cartes. C'est la clé d'une future informatique, capable de traiter des problèmes dont la complexité est alors à l'échelle planétaire. Il y a des centaines de milliards de dollars à la clé derrière tout cela. Est-ce que vous avez eu une idée nouvelle dans ce secteur-là ?

L'interlocuteur marqua un bon temps d'arrêt, comme s'il était en proie à une certaine hésitation. Puis sa réponse apparut.

- Avant d'en parler, mettons-nous bien d'accord. La résolution de ce problème, ou de cet ensemble de problèmes représente une porte ouverte vers l'intelligence artificielle.

- C'est effectivement lié, répondit Peter. Depuis longtemps on soupçonne que l'intelligence humaine est d'une essence différente de celle qu'on prête aux machines, simples cervelets qui, en dépit de leur rapidité spectaculaire n'ont jamais dépassé le stade de la bêtise. J'imagine très bien que si on savait maîtriser ce type de problème on pourrait concevoir une machine réellement intelligente, c'est à dire capable de se programmer elle-même, en faisant preuve d'une réelle autonomie mentale. Une machine qui se mettrait à s'exprimer comme un être humain ou du moins dont le discours se mettrait à ressembler sacrément à celui d'un être humain. Une machine capable de raisonner comme vous le faites, de répondre à des questions. Au fait, dans quel institut de mathématiques êtes vous. Vous êtes à Berkeley?

C'est le jeu complet de l'apprenti-sorcier. Windows 98 nous a aussi dit que le génôme représentait un problème de type k-SAT. Est-ce que vous comprenez ce qu'il veut dire par là?
- Je pense que oui. Pour le moment nous n'avons réussi qu'à créer des désordres mineurs. Nous ne perturbons guère, finalement, l'architecture de ce système. Mais, en touchant à certaines "clefs de voûte" on pourrait provoquer un collapse génétique, quelque chose qui ne serait plus pratiquement réparable.
- Que voulez-vous dire par là ?
- Imaginez une voûte qui soit constituée par les pièces d'un puzzle et qui bénéficierait d'un certain équilibre mais telle que si vous touchez à certaines pièces, patatras, vous pouvez vous retrouver avec un énorme tas de pièces dispersées que vous seriez alors incapable de ré assembler en un temps raisonnable. Il faudrait une suite de manipulations génétiques en nombre si grand que tout deviendrait alors irréparable.
- Il a parlé d'une planète où des imbéciles auraient joué avec la génétique de telle façon que leurs plantes, ainsi altérées, seraient devenues incapables de réguler l'atmosphère de leur biotope. Taux d'oxygène trop bas.

La théorie de la Gestalt affirme que l'unité perceptive d'un phénomène n'est pas réductible à l'analyse de ses parties. Sa forme (gestalt) résulte de la distinction spontanée que nous effectuons entre la figure et le fond. Elle est réglée par des lois structurales.

Nous pouvons observer la forme musicale du point de vue de la Gestalt. En effet, la musique peut être considérée comme un objet possédant une forme, au sens de la Gestalt, à condition de la limiter à une durée perceptive ne dépassant pas quelques secondes. Il semble exister une différence radicale avec l'organisation perceptive régissant ce qui s'étend au delà de ce laps de temps : celle-ci concerne alors la structure musicale comprise comme une suite de formes (gestalts) dont certaines sont des répétitions ou des variantes mais dont l'unité semble être d'une autre nature. Cette condition est particulièrement remplie par la musique de Poulenc dont on peut observer la brièveté des unités phraséologiques