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4 mars 2007 7 04 /03 /mars /2007 08:55
Les voix se marient et se fondent en un silence nébuleux : un silence, qui est l’infini de l’espace ; et vite, en silence, l’âme aspirée plane au-dessus de régions de cycles des cycles de génération qui furent. Une région où le gris crépuscule descend toujours sans jamais tomber sur de vastes pâturages vert amande, versant sa cendre, éparpillant sa perpétuelle rosée d’étoiles. Elle suit sa mère à pas empruntés, une jument qui guide sa pouliche. Fantômes crépusculaires cependant pétris d’une grâce prophétique, svelte, croupe en amphore, col souple et tendineux, douce tête craintive. Ils s’évanouissent, tristes fantômes : plus rien. Agendath est une terre inculte, la demeure de l’orfraie et du myope upupa. Nétaïm la splendide n’est plus. Et sur la route des nuées ils s’en viennent, tonnerre grondant de la rébellion, les fantômes des bêtes. Houhou ! Héla ! Houhou ! Parallaxe piaffe par derrière et les aiguillonne, les éclairs lancinants de son front sont des scorpions. L’élan et le yak, les taureaux de Bashan et de Babylone, le mammouth et le mastodonte en rangs serrés s’avancent vers la mer affaissée, Lacus Mortis. Troupe zodiacale de mauvaise augure et qui crie vengeance ! Ils gémissent en foulant les nuages, cornes et capricornes, trompes et défenses, crinières léonines, andouillers géants, mufles et groins, ceux qui rampent, rongent et ruminent, et les pachydermes, multitude mouvante et mugissante, meurtriers du soleil.

 
Tout droit vers la mer morte leurs pas les mènent à boire, inassouvis et en d’horribles goulées, le flot dormant, salé, inépuisable. Et le prodige équestre  de nouveau croît et se hausse dans le dessert des cieux à la taille même des cieux jusqu’à recouvrir, démesuré, la maison de laVierge. Et voici que, prodige de métempsycose, c’est elle, l’épouse éternelle, avant-courrière de l’étoile du matin, l’épouse toujours vierge. C’est elle, Martha, douceur perdue, Millicent, la jeune, la très chère, la radieuse. Comme elle est à présent sereine à son lever, reine au milieu des Pléïades, à l’avant-dernière heure antélucienne,  chaussée de sandale d’or pur, coiffée d’un voile de machinchose fils de la vierge ! Il flotte, il coule autour de sa chair stellaire et ondoie et ruisselle d’émeraude, de saphir, de mauve et d’héliotrope, suspendu dans des courants glacés de vent interstellaire, sinuant, se lovant, tournant nos têtes, tordant dans le ciel de mystérieux caractères au point qu’après des myriades de métamorphoses il flamboie, Alpha, rubis, signe triangulé sur le front du Taureau.

Extrait de Ulysse de James Joyce.


On sait, scientifiquement, que de nos jours, l’hémisphère Nord est devenu dix fois plus radiant que l’hémisphère Sud, cela à cause de la sursaturation des ondes. Dès lors, il n’est pas bien difficile de s’imaginer l’ampleur du cataclysme lorsque dans la sécheresse la plus totale, ces ondes amassées par la folie des hommes se transformeront en foudre ; tandis que le soleil, au zénith du pôle Boréal aura fondu la glace et refoulé la mer dans l’hémisphère Sud.
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